FOUILLES DE CHERSONESE TAUR1QUE (CRIMEE) EN 1931-1933

Resume

Les fouilles de Chersonese, commencees en 1827 et interrompues en 1914, ont ete reprises en 1926. A cette epoque, elles etaient menees d’une maniere episodique, en plusieurs points et sans plan unique.

Les restes architecturaux les plus anciens sont les murs supportant les locaux superieurs 4 et 7, la citerne piriforme О et le puits K. Dans la couche inferieure, pres du fond rocheux, on a trouve des anses d’amphores avec marques de fabrique de Chersonese, Rhodes et Cnide et des fragments de poterie a laque noire, tant importee que locale.

Cette premiere periode de construction va de la fin du IV^е au II^е siecle avant notre ere.

A la periode suivante se rapportent les murs de ma^onnerie massive sous les pieces superi- eures 9, 10 et 12 et les citernes А, Б, В, К, Ж et И. Le fond des citernes est pave de briques liees par du ciment ou simplement par du mor- tier, de 0.12 a 0.20 m d’epaisseur. Les murs des citernes sont enduits d’un crepi rouge de meme composition — melange de chaux, de sable et de ceramique finement pilee, fort durable. Les citernes E et Ж se distinguent par leurs petites di­mensions; elles sont placees Tune a cote de 1’autre et servaient probablement a la conserva­tion des sortes superieures de poisson; quant aux grandes citernes, elles etaient destinees a la salaison de l’anchois („kamsa*)* Le grand nombre des citernes temoigne d’un large developpement de l’industrie de la peche et de ^exportation du poisson hors de Chersonese a Fepoque romaine.

Aux premiers siecles de notre ere, la citerne О et le puits К ont ete ensevelis sous de la terre pure, dans laquelle on a trouve de la ceramique a vernis rouge d’un travail fin; ils datent du I^er siecle avant notre ere—II^е siecle de notre ere. En d’autres points, on a trouve dans cette 3-є couche des monnaies d’argent et de bronze des I—IV^е siecles de notre ere et une statuette en bronze d’AscIepiade en pied, tenant dans la main droite un baton autour duquel s’enroule un serpent.

Les citernes peuvent etre datees des I—IV^е siecles de notre ere.

A la base de la seconde couche, on a degage les pieces 9a, 12a et 21a, dont les murs, bien batis, sont etablis sur la roche. Cette couche, remplie de detritus, est caracterisee par une po­terie d’argile blanche vernissee, ornee d’un des- sin estampe ou peint au pinceau, pouvant etre datee des IX—X^е siecles; elle semble etre de production locale. Dans la piece 9a, on a trouve sur le sol une grande quantite de monnaies des IX—X^е siecles et une plaquette en or ornee d’email cloisonne d’un travail soigne, sur laquelle sont representes deux paons avec un vase entre eux; cette plaquette date des X—XI^е siecles.

Les edifices de cette periode ont peri a la fin du X^е siecle et ont ete ensevelis dans la suite sous une couche de detritus de 2 m d’epaisseur.

Dans la periode suivante furent batis sur ce remblai les edifices 1—22 appartenant a plusi- eurs complexes de maisons d’habitation. Les murs en sont d’une construction negligee, les pierres unies avec de la boue; leur plan est irregulier, leurs dimensions trop petites, le mobilier assez pauvre, le plancher en terre, les murs interieurs non crepis. Dans cette periode tardive (ХИ— XV^е siecles), ce quartier fut reconstruit sur un nouveau plan. En regie generale, les cours sont interieures; dans la cour № 12 se trouve un puits, commun aux maisons 10—11 et 15, 13. Les citernes de l’epoque romaine, en partie en- sevelies sous la 2-е couche, etaient parfois uti- iisees alors comrae caves.

Dans les pieces, on a trouve en grande quan- tite: des instruments de travail, tels qu’assorti- ments complets de hame^ons et poids de filets? bateaux, drague pour la peche des coquillages, laie pour le travail de la pierre, objets servant au tissage, etc., de la poterie en argile rouge vernissee, ornee d’un dessin grave.

Dans la piece 14 on a trouve une ecuelle vernissee interessante par le sujet du dessin execute a l’interieur: Theodor Stratilat a cheval tuant un dragon.

Les edifices de la periode superieure ont peri dans un grand incendie, apparemment lors de la destruction de Chersonese a la fin du XV^е siecle: partout sur le plancher on voit une epaisse couche de debris: morceaux de charbon, suie, morceaux de bois carbonise, objets et murs brules.

En 1932, les fouilles ont ete poursuivies a Test du quartier explore en 1931; elles ont mis a de- couvert une surface de 700 m² environ.

Les restes architecturaux de I’epoque helleni- que sont rsres— ils ont ete detruits lors de la construction de la basilique. Dans la terre glaise pres de la roche on a trouve des anses d’am- phore avec la marque des astinomes de Cherso­nese et des fragments de poterie a vernis noir du III—II^е siecle avant notre ere.

Pres de la rue ouest se trouve une grande citerne, dont le fond est pave de briques liees par du mortier et les parois enduites d’un crepi rouge — melange de chaux, de sable et de ce- ramique pilee. Le fond de la citerne etait cou- vert d’une couche d’anchois sale de 0.25 aim d’epaisseur. Le poisson representait une masse compacte de couieur brune. L’espece a pu etre determinee d’apres les colonnes vertebrales. Apres que la citerne eut cesse de servir pout la salai- son du poisson, on la utilisee comme fosse a ordures. Directement sur le poisson gisaient de la vaisselle de l’epoque romaine tardive et des monnaies de Zenon et de Justinien I^er. Au VI^е siecle, lors de la construction de la basilique, on en a fait un four a chaux; la quatrieme fois, on Га employee comme depot de provisions; la cinquieme fois, au X—-XI^е siecle, elle fut defini- tivement transformee en fosse a ordures.

La construction de la basilique decouverte dans la partie est du quartier remonte au VI^е siecle. Dimensions de la basilique: longueur 26 m, lar- geur 16.50 m. Elie est a trois nefs, avec narthex et abside pentagonale. De la colonnade nord in situ se sont conservees trois bases en marbre et a cote d’elle une imposte; le jube en marbre de l’abside subsiste partiellement. Les nefs late­rals ont un plancher en mosa'ique, dont l’orne- ment geometrique est execute en quatre couleurs (blanc, rouge, jaune et ■ oir) dans la nef nord et en trois couleurs (sans le noir) dans la nef sud. Comme details architecturaux, on a trouve des chapiteaux en marbre, des impostes, des coins d’arcs avec ornement grave et polychrome. La basilique a peri approximativement a la fin du X siecle et fut recouverte plus tard par une epaisse couche de detritus de construction.

Quelque temps apres, on a eleve sur les rui- nes de la basilique une chapelle, qui a trouve place toute entiere dans l’abside de la basilique. Dans la chapelle et sur i’emplacement de la ba­silique furent edifies 35 tombeaux-mausolees; dans la partie ouest de la chapelle fut construite une maisonnette de garde avec four dans Tangle est.

Les tombes sont disposees dans un certain ordre. Elles renferment jusqu’a 10, 15, 25, voire 35 et 60 cranes, alors que les longs os sont tres peu nombreux. Cela montre que lors du transfert des restes du mort du cimetiere au mau- solee pres le temple, on estimait suffisant de

prendre seulement le crane. Dans la tombe № 6, le drap funeraire etait garni d’un ornement en lamelles d’os: aux angles — grandes lamelles avec figurations de griffons, d’un lion et d’une biche» bandes laterales avec ronds et carres se recou- pant dans la partie moyenne de Vornement, egale- ment avec ronds, faits de petits carres, losanges et triangles encadres de lamelles droites et recour- bees.

Dans la partie riveraine du quartier, on a de- cele dans la premiere couche des complexes de locaux se rapportant evidemment a deux maisons. Les pieces III et VI etaient des caves a provi­sions, aves plancher superieur en bois. La cave VI est particuiierement interessante: on у a trou­ve plus de 50 vases d’argile varies. Une telle abondance de poteries permet de conclure qu’a cette epoque tardive aussi Fart de la pote- rie atteignait un grand developpement a Cherso­nese. Les tuiles avec marques diverses le confir- ment. Dans le meme sous-sol on a decouvert deux petites icones, une en ardoise, avec image de Georges arme d’une lance et d’un bou- clier, l’autre en bronze avec image de Jesus- Christ. Toutes deux sont couvertes de dorure, se distinguent par un travail fin et peuvent etre datees du X—XI^е siecle. La piece VII renfermait un puits, d’une profondeur de 3.60 m jusqu’au niveau de Геаи. Dans d autres pieces on a trouve des meules, des mortiers pour ecraser le grain, des ustensiles de peche, une quantite de pote- rie: dans la piece JV — des chainettes de bronze avec globe imperial appartenant a une lampe d’eglise.

Sur le plancher des pieces de cette periode, on constate egalement des traces d’incendie, comme dans ceux du quartier mis au jour en 1931; il est hors de doute que les deux quartiers ont ete detruits par le feu en meme temps (lorsque la ville entiere perit dans les flammes a la fin du XV^е siecle).

En 1933, les fouilles ont continue sur le ri- vage nord de Chersonese, a Lest de celles de 1932. Seule la 1-е couche (superieure) a ete enlevee sur 500 m² environ; elle comprenait une accumu­lation de decombres formee lors de la destruc­tion des edifices. Leur plancher etait couvert de suie, de morceaux de charbon, d’objets brules et de debris de tuiles.

Les murs sont en petits moellons lies avec de la boue, avec des poutres de bois intercalees pour relier les murs. Le plan des edifices est ordinairement irregulier, leurs dimensions petites, les planchers en terre, les murs non crepis, par- fois avec un enduit d’argile.

Les locaux degages par les fouilles apparte- naient a deux maisons. Dans le premier se trou­vait un four, dans la piece V — deux fours: un petit dans Langle est et un grand dans Langle nord. Ces fours sont construits avec des briques et des fragments de ’tuiles, lies avec de Largile; ils possedaient un avant-four cintre; Latre etait garni de carreaux de terre cuite. Le toit avail une ouverture pour la cheminee (on a trouve des carreaux perces d’un orifice rond avec un tuyau de cheminee). La presence de deux fours de cuisine dans une seule chambre et d’un troi- sieme four dans une autre piece de la meme maison indique qu’il у avait iei une grande bou- langerie, qui fabriquait le pain pour la vente. De pareils fours sont rares da.is les maisons de Chersonese a Lepoque tardive; a Lordinaire, les chambres etaient chauffees par de simples foyers de pierres.

La seconde maison est situee dans la partie est du quartier. Dans la piece VIII se trouvait un mortier pour ecraser le grain et a cote un pilier avec enfoncement pour l’appui d’un levier a pilon. Semblables mortiers ont dte decouverts dans de nombreux pieces de cette periode au cours des fouilles de 1931—1932. La piece IX servait de depot de provisions: sur le plancher pres des murs se trouvait un grand nombre d amphores contenant des restes de poisson. Ici meme gisaient les engins de pro­duction: deux socs d’araire en fer, plus de 100 hame^ons en bronze, plus de 40 poids de filet, une multitude d’objets metalliques: cadenas, pitons, ecuelle de bronze, etc. La piece X avait un foyer; sur le plancher, pres du mur ouest, etaient placees une partie de colonne en marbre et une pierre cubique, qui servaient probable- ment de sieges de travail — peut-etre у avait-il ici une forge ou un atelier. La piece XII etait

une cour, a Langle est de laquelle se trouvait le puisard de la fosse d aisances.

Le mobilier г ombreux et vane (instruments de travail et objets usuels) permet de tirer cer- taines conclusions sur les occupations et la com­position sociale des habitants de cette maison. Ils pratiquaient Kagriculture, 1 elevage, la peche; etaient artisans: forgerons-serruriers, construc- teurs, tisserands.

C'etait le regime de la petite exploitation se suffisant a elle-meme; le commerce a complete- ment cesse a cette epoque (on ne rencontre pas d’objets importes).

Ces pieces datent des derniers siecles de Г existence de la ville, c'est-a-dire des XII—XV^е siecles approximativement.

Les observations sur la periode medievale tar­dive faites au cours de trois annees de fouilles peuvent etre etendues dans une certaine mesure a la ville entiere: 1. Le niveau economique de la population de Chersonese dans les derniers siecles de son existence etait tres bas. 2. Par leurs occupations et leurs sources d'existence, les habitants ont passe dans une large mesure a l’etat de ruraux: economie naturelle de peti- tes exploitations autonomes se suffisant a elles- memes. 3. D'une maniere generale, Chersonese a perdu son ancienne importance de gros centre commercial et s'est transformee en une petite ville qui n avait de liens economiques etroits qu avec ses alentours immediats.

Редактор издательства A. H. Бсрнштам. Подписано к печати 6 июня 1341 г. Рисо Nt 806. М 63982. Объем 34’/; пач. л. | У еклее», 36,13 уч. авт. л. Тираж 1000 вив.